À vous qui laissiez entendre à l’assemblée que votre fille vous considérait comme son héros : quelle charmante façon de nous faire comprendre en peu de mots que vous êtes un père et un homme extraordinaire. Je ne vous connais pas beaucoup, mais j’aurais tendance à appuyer les dires de votre enfant; je vous apprendrai que vous seriez aussi le héros de ces quelques demoiselles qui m’en ont fait la confidence et dont je tairai les noms. Et enfin, j’ajouterais que vous seriez mon héros à moi aussi, dans d’autres circonstances et dans une autre vie : j’épargnerai à mon cœur de désirer un héros qui ne sera jamais le mien durant cette existence.
Quelque chose m’indique que vous savez déjà très bien ce que vous dégagez. Cette espèce de réserve feinte, celle du beau garçon qui sait qu’il plait; cette façon de vous tenir et de vous mettre en valeur sans prononcer le moindre mot; cette élégance subtile que vous dirigez brillamment vers l’intéressée, celle de laisser croire à l’existence d’un sentiment sans le valider vraiment. Quelque chose m’indique que vous appréciez ces non-dits, ces non-confirmations qui vous permettent de rêvasser sans le moindre remords et d’avoir quelqu’un à qui songer dans les moments de lassitude. Un bonheur partagé, dois-je l’avouer, et qui m’occupe parfois au beau milieu de la nuit.
Mais peut-être me fais-je des idées. Peut-être suis-je la seule à avoir ressenti ce quelque chose, cette envie de rester à vos côtés sans le moindre but, seulement parce qu’il me faisait tout chaud à l’intérieur d’imaginer ces visions que je ne vous raconterai jamais.
Et lorsque j’ai cru remarquer que vous peiniez à soutenir mon regard alors que vous vous ancriez dans ceux de toutes les autres, cela m’a réjoui en secret : j’y ai vu pendant un moment une certaine confirmation, avant de mettre le tout sur le compte de mon imagination.
Vous ai-je réellement plu? Peu importe. Je ne saurai probablement jamais ce qu’il fut en réalité; mais rêver de vous m’aura été agréable. Et se déclare encore en moi cette joie discrète lorsque j’apprends que nous aurons à nous revoir; ou à nous observer de loin, comme si, ce faisant, nous commettions le plus gros des péchés.